Avec Nuit, le rappeur parisien signe son retour depuis P-Town, son précédent projet. Regroupant d’intéressants featurings, avec Nekfeu, Alpha Wann, Monomite ou encore Esso Luxueux, Jazzy Bazz nous emmène dans les tréfonds de la nuit au fil des douze morceaux du projet. Retour donc sur cette balade nocturne, dans 16 Mesures. 

Connaître Jazzy Bazz

            C’est au cours de son adolescence qu’Ivan construit le personnage de Jazzy Bazz. Son nom de scène est un mélange entre une déclinaison de son surnom qu’il portait étant plus jeune, « Bazz », et une référence à son père, fan de jazz, « Jazzy ». Fan de football, l’artiste en tirera d’ailleurs un des titres phares de son premier album, Ultra Parisien (lien vidéo). 

Après avoir décidé de quitter son association d’ultra parisien pour consacrer sa vie au rap, c’est en compagnie d’Esso Luxueux qu’il formera la Cool Connexion, où ils réaliseront Hommes de l’Est ou plus récemment Astral. Par la suite, il s’associera avec des rappeurs du 19ème pour former le collectif Grande Ville, et rejoindra aussi L’Entourage. De ce collectif naissent d’inévitables classiques, comme CarameloJim Morrison ou encore Les Rois. A travers ce collectif, Jazzy Bazz exposera également son talent pour les Rap Contenders où il restera ainsi invaincu de la compétition et le seul à battre le grand Wojtek. 

            Bien qu’il ne soit pas une grande star du rap français, Jazzy Bazz n’en reste pas moins une figure notable. Ce crâne rasé souvent accompagné d’une paire de lunette aux verres rouges et d’une barbe entretenue, le tout suppléé par une plume puissante a enfanté plusieurs classiques du rap français, à l’instar de 64 mesures de Spleen ou encore Le Roseau. Cette carrière aboutit sur Nuit, le second album de l’artiste.  

Analyse Nuit 

Dans ce nouvel opus, Jazzy Bazz offre un projet chronologique : à la manière de l’album des Casseurs Flowters, l’artiste emmène son auditeur dans une balade au fil de la nuit. Le projet s’ouvre sur Crépuscule : une douce mélodie qui nous invite à fermer les yeux et à se laisser bercer par la « morphologie linguistique » du rappeur (Le Roseau, ndlr). Le soleil disparaît derrière l’horizon, la lumière se fait rare : l’album commence bien. 

Vient ensuite l’un des deux singles déjà sortis : El Presidente. Autant le dire tout de suite : c’est puissant, du grand Jazzy Bazz, dès le deuxième morceau. L’artiste manie les mots à la perfection en balançant des phases acérées avec l’aisance et la douceur qui lui est propre. La prod, entraînante, n’est pas en reste, et fait d’El Presidente une track phare de l’album. 

Le troisième titre : Eternité, regroupe Nekfeu et Jazzy Bazz pour une premier collaboration simple, efficace, les deux parisiens kickent tranquillement pour décrire un thème récurrent à l’album : la notion d’infinité.

Autre morceau intéressant, Leticia. Dans ce quatrième titre de l’album, Jazzy Bazz décrit son amour pour Leticia, et son impuissance face à l’ignorance de celle-ci à son égard. Ici, l’artiste nous livre une chanson à cœur ouvert, et décrit sa peur de dévoiler ses sentiments à son aimée. Mention spéciale au refrain, dans lequel Jazzy Bazz utilise l’homéotéleute « Leticia […] Lutetia » pour faire écho à l’affection qu’il porte à sa ville de cœur, Paris. 

On poursuit ensuite avec l’étonnant Buenos Aires – Paris, dans lequel l’artiste kick sur une prod étrangement entêtante. Titre agréable, Jazzy Bazz propose une plaisante dualité dans son morceau pour illustrer les deux destinations du voyage. Mais les douze coups de Minuit sonnent pour donner un interlude très douce, chanté par Sabrina Bellaouel, et une deuxième facette de la nuit s’offre à nous. 

Après Minuit, le morceau suivant est Sentiments, avec pour guest : Lonely Band, l’artiste nous invite à réfléchir sur un son très calme et chantant. Jazzy Bazz n’hésite pas à donner de la voix en réponse à Lonely, pour un final séduisant, et très doux. Si l’on est bien loin de l’acerbe Roseau ou du dérangeant Joker, le rappeur parisien s’en sort parfaitement pour proposer un titre soigné et plaisant.

Mais puisqu’on parle de kicker, venons-en à Stalker. Ce huitième morceau nous offre la présence de Bonnie Banane et une seconde collaboration avec Nekfeu pour accompagner Jazzy Bazz. Dans ce son, les deux rappeurs abordent un thème inhabituel : l’espionnage d’une femme pour qui ils éprouvent des sentiments sur les réseaux sociaux. Le refrain, porté par Bonnie Banane, offre un contraste bienvenu avec les 16 mesures des deux parisiens. Que cela soit pour Stalkerainsi que Eternité, les deux rappeurs nous offre des textes monstrueusement bien travaillés.

Mais l’heure tourne, et la nuit avance. Le parisien ne semblant toujours pas trouver le sommeil découle sur uneInsomnie, en compagnie d’Alpha Wann et Esso Luxueux. Ici, les rappeurs nous emmènent dans un demi-sommeil cotonneux, pour traverser un Paris désert et contrasté. Le couplet d’Alpha Wann est bienvenu pour trancher avec le style plus doux et posé de Jazzy Bazz. Morceau particulièrement réussi donc, la forme du son accompagnant parfaitement le thème de l’insomnie.

Ce morceau en découle sur Parfum. Simplement accompagné d’une guitare et d’une trompette, Jazzy Bazz réalise ici un véritable tour de force… Parfum est, pour 16 Mesures du moins, le coup de cœur ultime de l’album. L’artiste expose un texte extraordinairement bien écrit sur une prod aux sonorités Jazz, nous rappelant là l’amour porté par Jazzy Bazz à ce style musical. 

Après le son Rue du Soleil, en feat avec Monomite, dans lequel l’artiste propose un avant dernier son planant et nous rapprochant là-encore du spleen nocturne de Jazzy Bazz, l’album se termine sur le morceau Cinq Heures du Matin. Venu clore en beauté le projet, le rappeur parisien revient sur la nuit qu’il vient de vivre et sur sa vie en générale ; livrant ses angoisses les plus profondes, Jazzy Bazz déclare ici son amour pour la nuit une dernière fois.

En conclusion, le rappeur parisien de l’Entourage nous propose un projet extrêmement intéressant, à la thématique soignée et parfaitement cernée par les sons qui le composent. Si l’absence de morceau de kickage vraiment virulent pourra être regrettée par certains, il ne fait aucun doute que Nuit ira à ravir aux nostalgiques de l’éternel 64 Mesures de Spleen